J’ai mis la coupure estivale à profit pour revenir vers vous avec plusieurs idées de lecture. Celle-ci est signée Jean-Christophe Rufin, auteur contemporain qui a notamment reçu le prix Goncourt en 2001 avec Rouge Brésil.
Le rouge est à nouveau omniprésent dans Le collier rouge, paru en 2014 chez Folio. Il renvoie d’abord à la couleur du collier porté par le chien Guillaume, héros à part entière. Inlassablement, il passe sa journée à aboyer et à attendre son maître, le soldat Morlac.
Héros de guerre, Morlac est pourtant retenu prisonnier en attendant d’être jugé pour ses actes. Le rouge est aussi la couleur de la guerre, la première – nous sommes en 1919 – et celle du sang, trop abondamment versé dans les tranchées des deux côtés du front. Enfin, le rouge c’est la chaleur écrasante qui exacerbe les réactions des habitants de ce village près de Bourges, chacun ayant un avis sur le sort à réserver au prisonnier. C’est alors qu’arrive le chef d’escadron Hugues Lantier du Grez, chargé de juger le soldat. En cherchant à comprendre les raisons qui ont amené Morlac à faire ce qu’il a fait, il rencontre plusieurs habitants du village avec leurs secrets, leurs souvenirs et leurs errances.
Le collier rouge est un très joli roman historique qui traduit avec beaucoup de subtilité la rudesse de ces années d’après-guerre qui ont fait tant de dégâts. C’est aussi une superbe histoire de la fidélité : entre l’homme et son animal, à des idéaux, à une patrie, aux personnes qui vous aiment. La délicatesse et la simplicité de la langue vous toucheront :
« De près, l’animal faisait peine à voir. Il avait vraiment l’allure d’un vieux guerrier. Plusieurs cicatrices, sur le dos et les flancs, témoignaient de blessures par balles ou éclats d’obus. (…) Il avait une patte arrière déformée et, quand il se tenait assis, il devait la poser en oblique, pour ne pas tomber sur le côté. Lantier tendit la main et le chien s’approcha pour recevoir une caresse. Son crâne était irrégulier au toucher, comme s’il avait porté un casque cabossé. (…) Mais au milieu de ce visage supplicié brillaient deux yeux pathétiques. Guillaume, sous la caresse, ne bougeait pas. On sentait qu’il avait été dressé à ne pas s’agiter, à faire le moins de bruit possible, sauf pour donner l’alerte. Mais ses yeux à eux seuls exprimaient tout ce que les autres chiens manifestent en usant de leur queue et de leurs pattes, en gémissant ou en se roulant par terre. (…) Ses mimiques, jointes à de petits mouvements expressifs du cou, lui permettaient de couvrir toute la palette des sentiments. »
Ce roman est d’autant plus attachant qu’il s’inspire d’un fait réel. Avant de débuter sa carrière d’écrivain, Jean-Christophe Rufin a d’abord été médecin, engagé dans l’humanitaire. Puis il a occupé des postes de responsabilités à l’étranger : il fut notamment ambassadeur de France au Sénégal. Lors de l’une de ses missions en Jordanie pour le compte d’un hebdomadaire français, son coéquipier photographe lui a raconté l’histoire de son grand-père : une anecdote simple, « un de ces petits cristaux de vie rares, à partir desquels il est possible de construire un édifice romanesque. »
A lire aussi, l’entretien avec l’auteur, réalisé par les Editions Folio / Gallimard.