Tous les chiens de ma vie – Elizabeth von Armin

Découvrez la vie passionnante et plutôt émancipée d’une comtesse prussienne du début du 20e siècle dans cette autobiographie qui n’en a pas le nom puisque ce sont les nombreux chiens qui ont traversé sa vie qui en sont les héros.

Elizabeth von Armin aimait les chiens, parfois plus que certains de ses contemporains (selon ses propres dires), et en a eu beaucoup. Même s’il lui est arrivé de ne pas en avoir pendant quelques années, ce n’est pas moins de 14 chiens qui ont accompagné plusieurs moments de sa vie.

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Ce livre se découpe donc en chapitres, chacun étant consacré à l’un de ces chiens. Même si son éducation et son rang social ne lui permettaient pas de laisser transparaître ses sentiments, les descriptions d’Elizabeth sont sincères, parfois surprenantes, mais souvent émouvantes.

« A tous ceux, et surtout à toutes celles (…) qui ont peur le soir car elles n’ont personne à qui parler, (…) à celles qui débordent d’une affection qu’elles ne peuvent offrir à personne, (…) je prescris de se rendre toutes affaires cessantes chez Harrod’s, par exemple, et d’y faire l’achat d’un chien. Elles y trouveront tout un bataillon d’amis dont le plus cher désir est de leur offrir réconfort et protection sans rien demander en retour, et, quoiqu’il arrive, sans jamais se plaindre ni montrer de mauvaise humeur. »

Mais commençons par le début. Qui est Elizabeth von Armin ? Son vrai nom est en réalité Mary Beauchamp. Elle naît à Sydney en 1866 car son père Henry y était venu chercher fortune. Ses affaires ayant prospéré, la famille Beauchamp regagne l’Angleterre en 1870. Mary/Elizabeth est donc bien anglaise – elle est d’ailleurs cousine avec la romancière Katherine Mansfield.
Devenue adulte, son père l’emmène faire un voyage en Europe. L’objectif est atteint puisqu’elle y rencontre son futur mari : le comte Henning August von Arnim Schlagenthin. D’une très noble famille prussienne, il descend de Frédéric le Grand par sa mère et est le fils de Harry von Armin, ambassadeur en France en 1871. Elle a 23 ans, lui 38. Le mariage a lieu à Londres, puis ils partent s’installer à Berlin. Cinq ans plus tard, ils emménagent dans le domaine familial du comte : en Poméranie (région côtière au sud de la mer Baltique, située en Allemagne et en Pologne). Elizabeth y découvre les joies de la vie à la campagne avec des chiens (Cornelia, Ingulf, Ingraban, Ingo, Ivo). Elle donne aussi naissance à 4 filles et 1 garçon qui pourront s’enorgueillir d’avoir eu E.M. Forster comme précepteur !
La tranquillité de cette vie rurale lui permet de s’adonner à l’écriture. Le succès de ses romans lui permet d’ailleurs de bénéficier d’une certaine autonomie financière vis-à-vis de son mari, ce qui était suffisamment rare à l’époque pour être souligné et un atout pour le restant de ses jours.
Le comte connaît un revers de fortune qui oblige Elizabeth et son époux à revenir sur Londres. Il y meurt en 1910.
La veuve Elizabeth part alors s’installer en Suisse dans ce qu’elle appelle son « Chalet Soleil » qui devient un haut lieu de vie mondaine. Elle y a d’ailleurs une aventure avec le romancier H.G. Wells, créateur de L’Homme invisible et de La Machine à explorer le temps. Cette période de sa vie est marquée par l’entrée en scène de Coco, grand chien suisse à l’épaisse fourrure marron tachetée d’argent:

« Je dois avouer que sans Coco, j’aurais eu du mal à supporter d’être enfermée dans cette maison humide et sombre [le chalet soleil en hiver !], tandis qu’au–dehors l’univers entier semblait rugir, jour et nuit ; parfois lorsque les coups de vent se faisaient plus violents et que je me blottissais au coin du feu en me demandant combien de temps le toit pourrait résister, je posais la main sur sa tête, il posait sa patte sur ma cheville, et cela m’empêchait de perdre courage. »

Quelques années plus tard, une de ses amies, Bridget Guinness (oui c’était bien la famille des brasseurs) lui fait découvrir le sud de la France. Les Guinness habitaient alors à Notre-Dame-de-Vie, près de Cannes, domaine que leur fils vendra en 1961 à … Picasso. Mais Elizabeth préfère Mougins où elle fait transformer la maison qui avait appartenu au comte de Sandwich pour y vivre avec Chunkie, Woosie et Winkie.

« Outre sa sagesse et son sang-froid, [Winkie] avait une qualité essentielle : il n’aimait que moi. C’est une grande chose que d’être aimée exclusivement. Cela m’est arrivé plusieurs fois, et j’en ai toujours éprouvé un grand plaisir. »

Lorsque la seconde Guerre Mondiale éclate, Elizabeth se réfugie aux Etats-Unis. Elle y meurt en 1941.

Découvrez donc cette autobiographie renversée passionnante et témoin d’une époque, où les chiens sont les héros et où Elizabeth ne s’autorise que quelques digressions sur les événements de sa vie. Je vous conseille vivement la version des éditions Bartillat / Omnia Poche, pour la préface et les notes explicatives du traducteur ainsi que les photos des chiens de la vie d’Elizabeth von Armin.

 

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