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La domestication du chien: dernières découvertes

Le chien est le fidèle ami de l’Homme. Oui, mais depuis quand ? Comment ce processus s’est-il mis en place ? Dans quel endroit du globe a-t-il débuté ? Faisons le tour des dernières avancées scientifiques sur cette question avec Morgane Ollivier-Ruz, paléo-génomicienne, et maître de conférences à l’Ecole normale supérieure de Lyon.

Sur quoi travaillez-vous ? Comment la génomique peut-elle apporter de nouvelles réponses à ces questions ?

En tant que paléo-génomicienne, je m’efforce de comprendre comment les génomes ont évolué à travers le temps. Je travaille sur des génomes très anciens, issus de l’ADN que l’on peut encore trouver sur des fossiles. Bien sûr,  cet ADN est plus difficile à décrypter car d’une part, il en reste peu, et d’autre part, son âge et son exposition prolongée à l’hydrolyse et l’oxydation l’ont fragmenté et chimiquement modifié. En l’occurrence, mon objectif est de déterminer comment la domestication a eu un impact sur le génome du chien.

Comment fait-on pour dater précisément ces vieux os et cet ADN ?

La datation se fait par le carbone 14 ou par celle des autres éléments trouvés au même endroit de la fouille (artefacts humains) et, qui, eux, sont déjà datés.

Alors, conclusion, nos chiens descendent-ils donc bien du loup ?

Oui, la génétique et la génomique ont permis d’affirmer que le chien descend bien du loup, et non du chacal ou du coyote comme supposé précédemment.

Quand et où les premières traces de l’espèce du chien sont-elles apparues ?

De façon sûre et certaine, on trouve des fossiles de chiens en Eurasie à partir de – 16.000 ans avant JC.  Les dernières découvertes tendent cependant à démontrer que des loups auraient déjà été domestiqués plus de 15.000 ans encore auparavant. En effet, une côte de loup datée de – 35.000 ans avec JC a été découverte en Sibérie et identifiée comme issue du Loup de Taïmyr, un loup sans descendant aujourd’hui. Son analyse prouve que le chien, le loup gris (que nous connaissons aujourd’hui) et ce loup de Taïmyr avaient un ancêtre commun, encore antérieur, et non retrouvé à ce jour. La domestication du chien a donc pu intervenir à un moment non déterminé entre -35.000 et – 16.000 avant JC. Par ailleurs, on sait aussi qu’il y a eu hybridation entre ces trois branches dont on retrouve une trace dans le profil génétique du Malamute et du Husky actuels.

Comment pouvez-vous affirmer que l’ADN que vous examinez est bien issu de l’espèce du chien et non de celle du loup ?

La domestication a engendré des modifications morphologiques qui sont aujourd’hui autant de preuves archéologiques de la différence entre les deux espèces. On note généralement chez le chien : un raccourcissement de la face, une constitution moins robuste et un cerveau plus petit, notamment en ce qui concerne les zones dédiées à l’acuité sensorielle. Ceci s’explique, par exemple,  par le fait que le chien domestiqué n’avait plus besoin de chasser. Une autre conséquence de la domestication se retrouve dans la couleur du pelage, elle-même codée par des gènes que nous avons identifiés. Ainsi, la couleur noire n’était pas présente dans la population de loups sauvages car on peut imaginer qu’il s’agissait d’une couleur ne leur permettant pas facilement de se cacher des proies qu’ils visaient. Une fois domestiqué, le chien a connu des modifications génétiques qui lui ont permis de présenter une plus grande variété de couleurs et notamment la couleur noire. On a même pu aller plus loin. Nous savons que les loups noirs n’existaient pas durant la Préhistoire. Aujourd’hui ils existent, essentiellement en  Amérique du Nord. On peut donc avancer l’hypothèse que les loups noirs actuels sont probablement issus d’une hybridation cette fois-ci dans le sens inverse. Des chiens domestiqués (et noirs) auraient migré en suivant les hommes par le Détroit de Bering au moment du Paléolithique Supérieur et se seraient mélangés avec les loups locaux.

Comment le processus de domestication s’est-il mis en place ?

Le chien est le plus vieil animal domestiqué, bien avant les vaches ou les moutons. La co-habitation du chien et de l’Homme a démarré avant la sédentarisation et le développement de l’agriculture. Elle a débuté lorsque nous étions encore des chasseurs-cueilleurs. Le scénario le plus probable est que nous partagions alors avec le loup des territoires et des comportements de chasse. Il a pu également y avoir un rapprochement progressif du loup et de l’Homme, notamment pour manger les restes. Au départ il s’agissait de réciprocité puis très progressivement l’Homme a pris le contrôle sur le loup qui deviendra un chien.

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Devant la grande variété des races qui constituent l’espèce canine aujourd’hui, il est difficile d’imaginer qu’elles descendent toutes du loup. Quelles ont été les grandes étapes de sélection une fois la domestication initiée ?

La domestication est un processus très progressif même si certains changements morphologiques évoqués plus hauts peuvent apparaître en quelques générations. On peut cependant distinguer 3 grandes étapes de sélection des races au sein de l’espèce canine :

  1. La sélection basée sur la grande variabilité initiale et naturelle des loups. Deux loups de petite taille croisés entre eux donneront des louveteaux de petite taille.
  2. La sélection utilitaire visant une fonction particulière attribuée au chien. Par exemple dans l’Antiquité, on sait que les Perses aimaient particulièrement les morphotypes molossoïdes et s’en servaient comme gardiens.
  3. La sélection sur des critères de beauté poussée jusqu’à son extrême aujourd’hui et depuis environ 200 ans avec la création du LOF et la fixation des standards de race. Cette sélection très artificielle a engendré une diminution préjudiciable de la variété génétique. Aujourd’hui, on estime à 20% le nombre de porteurs de maladies génétiques héréditaires par race, contre 0.1 % chez l’Homme.
En savoir plus:
Article scientifique sur la couleur noire chez le chien domestiqué
Plateforme technique de décryptage de l’ADN ancien

Comment mettre la génétique au service du chien ?

A l’échelle mondiale, la grande espèce des chiens compte plus de 400 races issues de la sélection artificielle de l’homme pour répondre à des objectifs particuliers : beauté, chasse, conduite de troupeaux, cavage… Chaque année en France, plus de 210.000 chiots de race naissent et sont inscrits au LOF.

Comment mettre la genetique au service du chien

La sélection accrue des races au cours des deux derniers siècles et l’accroissement notable des naissances au cours des 4 dernières décennies ont pour conséquence le développement spontané de maladies génétiques, spécifiques ou très fréquentes chez certaines races, et beaucoup sont homologues aux maladies humaines. Aujourd’hui, près de 500 maladies génétiques ont été recensées chez le chien.Mais alors, comment mettre les connaissances actuelles en génétique au service de la santé et du bien-être de nos chiens ? Rencontre avec Franck Pin, Responsable commercial de la société ANTAGENE, qui commercialise des tests ADN pour chiens et chats.

Qu’est-ce qu’un test ADN ? A quoi ça sert ?

C’est l’analyse d’une partie de l’ADN avec 2 applications principales :

1) Identifier un chien et certifier sa descendance (et ses origines):

Le test ADN est un moyen de caractériser un chien en dressant sa carte d’identité génétique. Ce profil est unique à chaque chien. Même deux chiens de la même race n’auront pas le même profil génétique. C’est une sorte de « code-barre » propre à chaque individu et qu’il conserve jusqu’à la fin de sa vie. Cette caractérisation précise permet de vous certifier aussi son origine : vous garantir que le chiot que vous allez acheter est bien issu du mâle et de la femelle présentés. Le futur acquéreur dispose d’une information fiable et l’éleveur valorise sa technique d’élevage. Actuellement, les chiffres montrent qu’en France, 15% des chiens de race ne sont pas issus du mâle indiqué sur leur pedigree. Parfois, il s’agit du manque de professionnalisme de l’éleveur. Parfois la première saillie semble ne pas avoir porté ses fruits. On fait donc appel à un second mâle et c’est une source d’erreur.

2) Dépister une ou plusieurs maladies génétiques

Le test ADN c’est aussi un moyen de dépister et donc d’éviter la propagation de maladies génétiques. Aujourd’hui, les recherches en génétique ont clairement identifié les gènes responsables de certaines maladies. Or un chien peut ne montrer aucun signe d’une maladie et pourtant être porteur des gènes associés qu’il va donc transmettre à sa progéniture. Pour un éleveur, connaître le statut génétique de ses reproducteurs vis à vis d’une maladie héréditaire, c’est protéger son élevage et éviter de produire des chiots atteints d’une maladie héréditaire en adaptant les accouplements pour favoriser la diversité.

Précisément, pouvez-vous nous expliquer le mode de transmission d’une maladie génétique héréditaire ?

A l’issue d’un test ADN, dans le cas d’une maladie récessive (qui représente 90% des maladies testées), le chien peut relever de 3 statuts :
• Soit il ne présente aucun gène identifié comme source de maladie : c’est un homozygote normal qui ne développera pas la maladie et donc ne la transmettra pas.
• Soit le chien est porteur des gènes de la maladie en question mais n’en montre aucun signe. Appelé porteur sain, il ne développera pas la maladie, mais la transmettra à 50 % de sa descendance.
• Enfin, le chien peut être porteur des gènes responsables et avoir développé la maladie. Appelé homozygote muté ou atteint, il transmettra ces gènes à 100 % de sa descendance.

Conditions de transmission des maladies genetiques hereditaires chez le chien

© Antagene

Concrètement, comment se déroule le prélèvement ?

La procédure est simple : il s’agit d’un prélèvement de cellules buccales à l’aide du kit ADN fourni par ANTAGENE. Par contre, ce prélèvement est toujours effectué par un vétérinaire pour en assurer l’authenticité. Une fois reçu, ANTAGENE extrait l’ADN, analyse une partie du génome du chien et établit le statut génétique du chien vis-à-vis de la maladie testée.

Combien de temps faut-il attendre avant d’avoir les résultats ?

En moyenne, les résultats parviennent au vétérinaire et au propriétaire du chien entre 1 et 2 semaines après réception du prélèvement. Pour certaines maladies seulement, le délai peut être étendu à 5 semaines.

Combien ça coûte ?

• L’identification génétique : 45 €
• L’identification génétique et la vérification de parenté : 55 €
• Le test maladie : 68 €

On entend souvent dire que les chiens partageant notre environnement et notre mode de vie, ils finissent par développer les mêmes maladies que nous. Qu’en pensez-vous ?

C’est partiellement vrai car l’environnement et le mode de vie ne sont pas les seuls facteurs responsables. La sélection artificielle qui a été faite au cours des dernières années n’a pas toujours respecté les règles de diversité et a entraîné la propagation de ces maladies héréditaires. Ce qui est vrai cependant, c’est que nous partageons un certain nombre de maladies. Et parfois les recherches sur les maladies du chien permettent de faire avancer celles sur les maladies de l’homme.

Avez-vous un exemple ?

Prenons le cas du Golden Retriever. Cette race est assez souvent sujette à une maladie appelée l’Ichtyose. Ce n’est pas une maladie grave mais gênante qui se traduit par une prolifération de pellicules donnant un aspect sale à la peau du chien. Or identifier le gène responsable de cette maladie chez le chien a permis de mieux comprendre comment elle se développe chez l’humain aussi.

Vous faites aussi des recherches ?

Parallèlement à la commercialisation de tests ADN, ANTAGENE est effectivement également une plateforme de recherche. Nous travaillons en collaboration avec l’équipe « Génétique du chien » de l’Université de Rennes 1 et l’équipe « Biologie du système neuromusculaire » de l’Ecole Vétérinaire de Maison Alfort. Par exemple, parmi les nombreux programmes de recherche en cours, nous travaillons à identifier le ou les gènes responsable(s) de l’épilepsie chez le Berger des Pyrénées ou de la dysplasie coxo-fémorale chez le Berger Allemand. Notre objectif commun est de continuer à progresser continuellement en décodant régulièrement le ou les gênes responsables de maladies non identifiées à ce jour puis de mettre au point les tests ADN de dépistage correspondants.

ANTAGENE sera présent au 137ème championnat de France des chiens de race du 5 au 7 juin prochains à Dijon.

Pour approfondir: