Le livre du jour est un essai philosophique d’une centaine de pages qui s’interroge sur la joie constante du chien.
Ce livre est né d’une rencontre : celle du philosophe contemporain français Mark Alizart avec un chien, son chien, Luther, un basset hound. Reconnaissant avoir été extrêmement marqué par l’amitié qui s’était nouée entre son chien et lui et par la joie communicative qui caractérisait le quadrupède, le philosophe a cherché à comprendre l’origine de cette joie à première vue contrenature puisqu’on parle toujours d’une « vie de chien ».
Domestiqué depuis près de 20.000 ans, le chien accompagne l’Homme mais a gardé quelques caractéristiques du loup. Décryptage.
Quel point commun me direz-vous entre mon chihuahua de 2 kilos et le terrible loup des contes pour enfants ? Peu de choses aujourd’hui en apparence tant la domestication est ancienne et est passée de plus à l’épreuve de l’élevage sélectif du siècle dernier. Aujourd’hui , les 7,3 millions de chiens en France habitent majoritairement en milieu urbain et ne se promènent quasiment qu’au bout d’une laisse. Pourtant, prenez quelques instants pour observer votre animal, quelle que soit sa race et sa taille, par exemple lorsqu’il joue. Vous allez reconnaître des attitudes qui sont bien des restes de son état d’animal sauvage . Décryptons les étapes d’une séance de prédation telle que celle qui lui permettait, il y a fort, fort longtemps de se nourrir. Soudain, vous allez voir votre chien d’un autre œil.
1.Le chien renifle la piste d’une proie, utilisant son odorat :
Lundi dernier, Arte a diffusé un documentaire passionnant sur le chien, faisant le point des dernières connaissances scientifiques sur notre animal domestique préféré.
En 50 minutes, la journaliste Sophie Massieu explore l’extraordinaire entente entre l’homme et le chien, forgée par quinze mille ans d’un compagnonnage unique au monde. Elle apporte ainsi des réponses aux questions que se posent bon nombre de propriétaires de chiens:
Le chien est le fidèle ami de l’Homme. Oui, mais depuis quand ? Comment ce processus s’est-il mis en place ? Dans quel endroit du globe a-t-il débuté ? Faisons le tour des dernières avancées scientifiques sur cette question avec Morgane Ollivier-Ruz, paléo-génomicienne, et maître de conférences à l’Ecole normale supérieure de Lyon.
Sur quoi travaillez-vous ? Comment la génomique peut-elle apporter de nouvelles réponses à ces questions ?
En tant que paléo-génomicienne, je m’efforce de comprendre comment les génomes ont évolué à travers le temps. Je travaille sur des génomes très anciens, issus de l’ADN que l’on peut encore trouver sur des fossiles. Bien sûr, cet ADN est plus difficile à décrypter car d’une part, il en reste peu, et d’autre part, son âge et son exposition prolongée à l’hydrolyse et l’oxydation l’ont fragmenté et chimiquement modifié. En l’occurrence, mon objectif est de déterminer comment la domestication a eu un impact sur le génome du chien.
Comment fait-on pour dater précisément ces vieux os et cet ADN ?
La datation se fait par le carbone 14 ou par celle des autres éléments trouvés au même endroit de la fouille (artefacts humains) et, qui, eux, sont déjà datés.
Alors, conclusion, nos chiens descendent-ils donc bien du loup ?
Oui, la génétique et la génomique ont permis d’affirmer que le chien descend bien du loup, et non du chacal ou du coyote comme supposé précédemment.
Quand et où les premières traces de l’espèce du chien sont-elles apparues ?
De façon sûre et certaine, on trouve des fossiles de chiens en Eurasie à partir de – 16.000 ans avant JC. Les dernières découvertes tendent cependant à démontrer que des loups auraient déjà été domestiqués plus de 15.000 ans encore auparavant. En effet, une côte de loup datée de – 35.000 ans avec JC a été découverte en Sibérie et identifiée comme issue du Loup de Taïmyr, un loup sans descendant aujourd’hui. Son analyse prouve que le chien, le loup gris (que nous connaissons aujourd’hui) et ce loup de Taïmyr avaient un ancêtre commun, encore antérieur, et non retrouvé à ce jour. La domestication du chien a donc pu intervenir à un moment non déterminé entre -35.000 et – 16.000 avant JC. Par ailleurs, on sait aussi qu’il y a eu hybridation entre ces trois branches dont on retrouve une trace dans le profil génétique du Malamute et du Husky actuels.
Comment pouvez-vous affirmer que l’ADN que vous examinez est bien issu de l’espèce du chien et non de celle du loup ?
La domestication a engendré des modifications morphologiques qui sont aujourd’hui autant de preuves archéologiques de la différence entre les deux espèces. On note généralement chez le chien : un raccourcissement de la face, une constitution moins robuste et un cerveau plus petit, notamment en ce qui concerne les zones dédiées à l’acuité sensorielle. Ceci s’explique, par exemple, par le fait que le chien domestiqué n’avait plus besoin de chasser. Une autre conséquence de la domestication se retrouve dans la couleur du pelage, elle-même codée par des gènes que nous avons identifiés. Ainsi, la couleur noire n’était pas présente dans la population de loups sauvages car on peut imaginer qu’il s’agissait d’une couleur ne leur permettant pas facilement de se cacher des proies qu’ils visaient. Une fois domestiqué, le chien a connu des modifications génétiques qui lui ont permis de présenter une plus grande variété de couleurs et notamment la couleur noire. On a même pu aller plus loin. Nous savons que les loups noirs n’existaient pas durant la Préhistoire. Aujourd’hui ils existent, essentiellement en Amérique du Nord. On peut donc avancer l’hypothèse que les loups noirs actuels sont probablement issus d’une hybridation cette fois-ci dans le sens inverse. Des chiens domestiqués (et noirs) auraient migré en suivant les hommes par le Détroit de Bering au moment du Paléolithique Supérieur et se seraient mélangés avec les loups locaux.
Comment le processus de domestication s’est-il mis en place ?
Le chien est le plus vieil animal domestiqué, bien avant les vaches ou les moutons. La co-habitation du chien et de l’Homme a démarré avant la sédentarisation et le développement de l’agriculture. Elle a débuté lorsque nous étions encore des chasseurs-cueilleurs. Le scénario le plus probable est que nous partagions alors avec le loup des territoires et des comportements de chasse. Il a pu également y avoir un rapprochement progressif du loup et de l’Homme, notamment pour manger les restes. Au départ il s’agissait de réciprocité puis très progressivement l’Homme a pris le contrôle sur le loup qui deviendra un chien.
Devant la grande variété des races qui constituent l’espèce canine aujourd’hui, il est difficile d’imaginer qu’elles descendent toutes du loup. Quelles ont été les grandes étapes de sélection une fois la domestication initiée ?
La domestication est un processus très progressif même si certains changements morphologiques évoqués plus hauts peuvent apparaître en quelques générations. On peut cependant distinguer 3 grandes étapes de sélection des races au sein de l’espèce canine :
La sélection basée sur la grande variabilité initiale et naturelle des loups. Deux loups de petite taille croisés entre eux donneront des louveteaux de petite taille.
La sélection utilitaire visant une fonction particulière attribuée au chien. Par exemple dans l’Antiquité, on sait que les Perses aimaient particulièrement les morphotypes molossoïdes et s’en servaient comme gardiens.
La sélection sur des critères de beauté poussée jusqu’à son extrême aujourd’hui et depuis environ 200 ans avec la création du LOF et la fixation des standards de race. Cette sélection très artificielle a engendré une diminution préjudiciable de la variété génétique. Aujourd’hui, on estime à 20% le nombre de porteurs de maladies génétiques héréditaires par race, contre 0.1 % chez l’Homme.